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Pendant plusieurs hivers d’exception, la Seine s’est transformée en ruban de glace, figé au pied de la tour Eiffel, du Pont-Neuf ou encore du pont des Arts. Des archives photo montrent des barges emprisonnées, des plaques de glace à perte de vue et des Parisiens médusés sur les quais.
Quand le froid saisissait Paris
Du XIVᵉ au XIXᵉ siècle, l’Europe connaît le Petit Âge glaciaire, une période marquée par des hivers beaucoup plus rigoureux qu’aujourd’hui. À Paris, on voit alors régulièrement la Seine se couvrir de glace.
Les chroniqueurs rapportent plusieurs épisodes spectaculaires :
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Hiver 1709 : l’un des plus terribles jamais enregistrés en France. Le fleuve se couvre d’une couche de glace si épaisse qu’on y installe des baraques et des stands de boisson chaude.
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Hiver 1788-1789 : la Seine gèle pendant quasiment deux mois, avec des températures descendant jusqu’à –23 °C fin décembre.
Les journaux de l’époque décrivent un fleuve devenu « parquet de cristal », sur lequel on marche, on joue, parfois on patine – au grand désespoir des autorités, conscientes du danger.
Les hivers de carte postale : 1879, 1890, 1893, 1917…
La photographie permet de conserver la mémoire de ces hivers hors norme.
1879-1880 : le plus grand hiver du 19e siècle
Lors du dernier mois de l’année 1879, une vague de froid d’ampleur historique envahit la France durant 4 longues semaines ! Les températures s’abaissent à des niveaux abyssaux. Il fait -28°C à Orléans, -30°C à Nancy et -33°C à Langres ! À Paris, le thermomètre descend à -23,9°C le 10 décembre 1879 – valeur qui reste (et restera sans doute) le record de froid de la capitale à ce jour. Sans surprise, la plupart des fleuves français – dont la Seine – gèlent.


1890-1891 : le Pont-Neuf dans la glace
Une série de clichés du photographe Neurdein montre la Seine entièrement prise autour du Pont-Neuf : barges immobilisées, glaces brisées en plaques, quai enneigé.
On distingue, sur certaines images, quelques silhouettes marchant au ras des glaces, prêtes à s’aventurer plus loin.

1893 : la tour Eiffel face à la banquise
Autre image saisissante : en 1893, le fleuve gelé au quai de Grenelle, avec la tour Eiffel en arrière-plan. Les bateaux sont coincés dans une croûte de glace qui remonte presque jusqu’aux berges.

1917 : la guerre dans le froid
En janvier 1917, en pleine Première Guerre mondiale, plusieurs photos montrent la Seine gelée aux abords de Paris et jusque dans le centre, près du pont Saint-Michel. On y voit des plaques épaisses s’entrechoquer, des péniches bloquées et une brume glacée sur la ville.

Vivre avec la Seine gelée : entre fête et danger
Sur ces hivers extraordinaires, les Parisiens oscillent entre curiosité et imprudence.
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On improvise des foires sur la glace : vendeurs ambulants, cabanes de fortune, musiciens.
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Certains s’essaient au patinage ou traversent à pied le fleuve, comme un pont supplémentaire.
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Les journaux mettent régulièrement en garde contre les chutes mortelles : la glace cède parfois sous le poids des curieux.
Un article de presse du XIXᵉ siècle rappelle qu’il fallait au moins trois jours à –10 °C pour que la Seine prenne vraiment, et que la couche n’était jamais parfaitement uniforme.
1956 : le dernier grand choc de froid
Si la Seine ne se fige plus en un bloc comme autrefois, certains hivers récents ont tout de même laissé des images marquantes.
En février 1956, une vague de froid exceptionnelle touche la France. Des photos montrent le fleuve partiellement gelé au niveau du pont des Arts, dans Paris, avec des plaques de glace et un mince film figé sur les berges. Et la Seine gèle entièrement du côté de Melun.
C’est l’un des derniers grands épisodes où l’on a pu parler d’une Seine « gelée » au cœur de Paris.

1985 et 1987 : probablement les dernières images de glaçons sur la Seine
Depuis, les différentes vagues de froid ne sont pas parvenues à figer la Seine dans la capitale. Même les terribles vagues de froid des mois de janvier 1985 et 1987 n’ont pas réussi à figer totalement le fleuve, nous faisant que charrier des glaçons.

En février 2012, la plus forte du XXIème siècle en France, seul le canal Saint-Martin était figé tandis que le canal de l’Ourcq charriait de la glace. La Seine, quant à elle, n’avait pas changé d’aspect malgré des quais enneigés et verglacés.
Pourquoi la Seine ne gèle (pratiquement) plus ?
Plusieurs facteurs expliquent pourquoi ces scènes paraissent aujourd’hui impossibles :
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Climat plus doux : depuis la fin du Petit Âge glaciaire, les hivers rigoureux sont plus rares.
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Régulation du fleuve : barrages, écluses, contrôle du débit rendent l’eau plus mobile, donc plus difficile à geler.
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Urbanisation : bâtiments, circulation et chauffage créent une « île de chaleur » urbaine qui limite les grands froids dans la ville.
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Trafic fluvial : la navigation brise continuellement les plaques de glace qui pourraient se former.
Résultat : même lors des vagues de froid récentes, on voit surtout des glaces dérivantes ou une mince pellicule près des berges, mais plus le fleuve transformé en patinoire.

