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En avril 1815, alors que l’Europe s’efforçait de se remettre des conflits napoléoniens, un phénomène sismique inhabituel perturba les colonies néerlandaises des Indes orientales. À plus de 1 500 kilomètres de distance, les résidents perçurent ce qu’ils prirent pour des tirs de canon. Il s’agissait en réalité de l’éruption du mont Tambora, situé sur l’île de Sumbawa, dont la puissance était susceptible d’avoir des répercussions mondiales.
11 avril 1815 : le Tambora explose en Indonésie
Dans la nuit du 10 au 11 avril 1815, le volcan entra en éruption avec une intensité exceptionnelle. L’explosion fut si violente qu’elle provoqua l’effondrement du sommet du volcan, entraînant la disparition de plus de 1 500 mètres de relief et la formation d’une caldeira. Pendant plusieurs heures, une obscurité totale enveloppa la région. Des nuées ardentes dévalèrent les pentes du volcan, détruisant villages et cultures, tandis que la mer environnante se couvrait d’une épaisse couche de cendres. Les rapports contemporains décrivent des colonnes enflammées atteignant plusieurs kilomètres de hauteur, des pluies de pierres ponces et un fracas incessant « d’une intensité indescriptible ». On estime que 70 000 personnes perdirent la vie directement ou indirectement en Indonésie en raison de ce cataclysme. Cependant, les conséquences de cet événement ne se limitèrent pas à cette région.
L’explosion du volcan Tambora en Indonésie, le 11 avril 1815
Le ciel s’assombrit partout…
Dans les semaines qui ont suivi l’éruption du Tambora, les vents de haute altitude ont pris le relais, dispersant à travers le globe des dizaines de millions de tonnes d’aérosols soufrés émis par le volcan. Un voile invisible, mais d’une efficacité redoutable, s’est progressivement formé autour de la Terre, renvoyant une partie du rayonnement solaire vers l’espace et filtrant la lumière.

« Un moulin près de Norwich et l’Année sans été » – la peinture représente surtout l’aspect lugubre du ciel – John Chrome
Les couchers de soleil, d’une teinte rouge irréelle, ont suscité l’émerveillement des observateurs européens, dont le peintre Turner, qui en a réalisé plusieurs toiles. Ce phénomène annonçait un bouleversement climatique d’envergure mondiale.

Chichester Canal est une peinture du paysagiste romantique anglais, aquarelliste et graveur J. M. W. Turner. Les couleurs éclatantes de l’œuvre auraient pu être influencées par les cendres atmosphériques provenant de l’éruption du mont Tambora en Indonésie.
Un refroidissement exceptionnel à l’échelle global de la planète !
L’hiver 1815-1816 s’est révélé exceptionnellement rigoureux, suivi d’un printemps qui a tardé à s’installer. En Amérique du Nord, des chutes de neige ont été observées en juin. En Europe, des gelées ont frappé les vallées alpines au cœur du mois d’août. Les récoltes des paysans, notamment de céréales, de pommes de terre et d’avoine, ont été décimées par le gel, entraînant des pertes quasi totales.
Les marchés ont connu une flambée des prix, le prix du pain doublant, puis triplant. Des émeutes ont éclaté en Allemagne, en Suisse et en France. L’expression « année sans été » est entrée dans les annales de l’histoire. Dans les campagnes appauvries, les populations ont été contraintes de migrer, les troupeaux ont dépéri et les réserves se sont épuisées. L’Europe a dû faire face à la crise alimentaire la plus grave du siècle.
Les scientifiques contemporains évaluent la baisse des températures mondiales entre 1 et 3°C (plutôt 3°C pour la France), une diminution significative sur une période d’une année. Les particules volcaniques, dispersées dans la stratosphère ont maintenu leur influence jusqu’en 1818, prolongeant ainsi les perturbations climatiques.

Anomalie des températures estimées durant l’été 1816
Même le domaine littéraire témoigne des répercussions de cet événement. À Genève, un groupe d’auteurs, contraints à l’isolement par les conditions météorologiques défavorables, ont passé l’été à concevoir des récits fantastiques. L’un de ces récits, rédigé par une jeune femme âgée de 18 ans, donnera naissance à l’œuvre intitulée « Frankenstein ».
L’éruption du Tambora demeure, à ce jour, la plus puissante jamais enregistrée depuis le début de la tenue d’archives météorologiques précises. Elle illustre, avec une clarté exemplaire, la capacité d’un seul volcan à modifier les cycles saisonniers à l’échelle mondiale.
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Auteur : Guillaume Séchet

