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Les médias utilisent de nombreux termes pour désigner certains phénomènes météorologiques tout au long de l’année. Toutefois, entre confusions, emploi de termes erronés ou n’existant tout simplement pas, il est souvent difficile de bien comprendre ce que veulent dire certaines de ces expressions utilisées le plus souvent à outrance par la sphère médiatique.
La rivière atmosphérique
Ce terme revient très régulièrement ces derniers jours dans les médias et est de plus en plus employé ces dernières années pour définir des périodes de plusieurs jours excessivement pluvieuses sur la France. Mais est-il judicieux de l’utiliser à outrance ?
Une rivière atmosphérique est une bande étroite de transport de vapeur d’eau, située généralement le long des frontières entre les grandes zones de circulation d’air. Celles-ci engendrent des précipitations plus importantes que la moyenne lorsqu’elles sont associées à des pressions des latitude moyennes et peuvent s’étendre sur plusieurs milliers de kilomètres.
Schéma d’une rivière atmosphérique dirigée vers la France ce jeudi 26 septembre 2024 – Météo-France
Ces rivières atmosphériques agissent comme un véritable couloir transportant de l’humidité venue des tropiques vers les régions tempérées, apportant donc des précipitations souvent excédentaires et un risque accru d’inondations comme c’est le cas cette semaine.
Ce phénomène est connu depuis longtemps par les météorologues mais le terme de « rivière atmosphérique » est apparu relativement récemment. Celui-ci fut en effet proposé au début des années 1990 par les chercheurs Reginald Newell et Young Zhu de l’université du Massachusetts Institute of Technology pour refléter l’étroitesse des panaches d’humidité impliqués.
Exemple d’une rivière atmosphérique originaire des tropiques atteignant la France cette semaine – Carte : meteo60.fr
Néanmoins, ce terme est employé de plus en plus fréquemment par les médias dès lors qu’un temps très humide et perturbé concerne notre pays. Ceux-ci ont en effet tendance à l’utiliser à outrance, confondant parfois le phénomène avec un simple flux océanique perturbé. Or, ce terme désigne un phénomène bien particulier qui ne se rencontre que quelques fois par an sur notre pays.
Comparaison d’une situation de rivière atmosphérique et d’un simple flux océanique – Météo-Villes
Il convient donc de rester prudent lorsque l’on tombe sur des articles annonçant une rivière atmosphérique sur la France, celle-ci s’accompagnant en général d’un risque d’inondations accru sur notre pays. Si c’est bien le cas cette semaine, ce terme est parfois utilisé de la mauvaise façon par les médias, la plupart du temps pour accentuer l’effet « anxiogène » d’un simple temps perturbé et humide.
Le dôme de chaleur
Le terme « dôme de chaleur » est également de plus en plus employé par les médias durant l’été, dès lors qu’une vague de chaleur ou une canicule est attendue ou touche déjà notre pays. Néanmoins, il convient de rester prudent lorsque vous lisez un article l’employant dans les médias.
Ce terme est en effet récent. Auparavant, l’expression dôme de chaleur, de l’anglais heat dome, était employée pour désigner un îlot de chaleur urbain car ce phénomène se caractérise par de l’air chaud formant un dôme au-dessus des grandes villes. Il s’agit en fait d’un effet de serre local, issu des activités humaines.
Schéma d’un ilot de chaleur urbain – via Carbonbrief.org
Néanmoins, ce terme s’est élargi plus récemment dans le domaine de la météorologie. Celui-ci a commencé à être employé à bien plus grande échelle partir de 2021, suite à la canicule de 2021 dans l’Ouest de l’Amérique du Nord. D’abord utilisée par les journalistes, ce terme de dôme de chaleur n’était pas accepté par les météorologues. Toutefois, entre 2022 et 2023, son utilisation fut admise par les scientifiques en raison des publications des études sur l’épisode caniculaire de 2021 en Amérique du Nord, qui détaillent les mécanismes de ce phénomène.
Mécanismes de l’heat dome de 2021 au-dessus de l’Amérique du Nord – ResearchGate
Là encore, ce terme est aujourd’hui employé à outrance par les médias dès lors qu’une vague de chaleur touche notre pays. Néanmoins, ce phénomène est soumis à des mécanismes atmosphériques bien particuliers qui diffèrent d’une vague de chaleur « classique ».
Un dôme de chaleur est en effet une zone fermée de températures plus chaudes que les régions environnantes qui survient lorsque l’atmosphère retient l’air sous un anticyclone en été comme le ferait un couvercle. Ce type de situation se rencontre parfois en été mais reste relativement peu fréquent contrairement aux vagues de chaleur temporaires qui touchent régulièrement notre pays.
Comparaison d’une situation de dôme de chaleur et de simple vague de chaleur sur la France – Météo-Villes
Un dôme de chaleur est une réelle situation de blocage qui engendre une accumulation de chaleur caniculaire durant plusieurs jours sur un secteur donné. Néanmoins, ce phénomène diffère des simples vagues de chaleur régulières qui touchent la France en période estivale, souvent provoquées par des remontées d’air originaire d’Afrique du Nord à l’avant de dépressions sur l’Atlantique. Ces vagues de chaleur peuvent se montrer tout aussi dangereuses, mais le phénomène n’est pas le même.
De nos jours, ce terme, encore récent en météorologie, est employé bien trop régulièrement par les médias, afin une nouvelle fois d’accentuer l’aspect marqué de la moindre période de chaleur.
Les “plumes de chaleur”
Il n’est pas non plus rare en été de voir passer le terme de « plume de chaleur » dans les médias. Toutefois, ce terme n’est pas véritablement exact et est là encore employé trop régulièrement lors des chaleurs estivales.
La notion de « plume de chaleur » est dérivée du terme anglais « spanish plume », désignant une remontée temporaire d’air chaud à très chaud du Nord de l’Afrique vers l’Ouest de l’Europe (dont la France) en passant par la péninsule ibérique. Ces remontées d’air chaud sont assez fréquentes durant l’été et restent généralement temporaires, étant rapidement suivies de dégradations orageuses parfois virulentes sur notre pays.
Évolution classique d’une « spanish plume » sur l’Europe en été – Météo-Villes
Là encore, le terme de plume de chaleur est trop souvent utilisé par les médias à la moindre remontée de chaleur sur notre pays, et ce peu importe la situation atmosphérique. Pourtant, ce phénomène requiert des conditions bien spécifiques, en plus d’être assez inexact en terme de vocabulaire météorologique.
La “mini-tornade”
Le terme mini-tornade est là aussi très récurrent dans nos médias dès lors qu’un phénomène venteux concerne un secteur donné. Toutefois, ce terme n’existe tout simplement pas en météorologie et est devenu une manière commode de désigner des phénomènes venteux de nature indéterminée.
Cette utilisation excessive pose plusieurs problèmes :
D’une part, le terme mini-tornade est souvent employé pour définir des dégâts venteux indéterminés localisés, alors même que ceux-ci ne sont pas consécutifs à une tornade mais plutôt à de simples rafales linéaires (tempête, rafale descendante, microrafale, etc,…).
D’autre part, ce terme minimise l’aspect dangereux d’une réelle tornade. La tornade est en effet un phénomène météorologique à part entière violent qui possède une véritable définition scientifique et qui n’est surtout pas seulement cantonnée aux États-Unis. Ce n’est pas parce qu’une tornade se produit autre part que dans la Tornado Alley que celle-ci est forcément « mini ». Les tornades sont plus fréquentes qu’on ne le pense en France et peuvent parfois provoquer des dégâts très importants.
On se souvient par exemple de la tornade d’Hautmont en 2008, qui avait été qualifiée de mini-tornade par les médias alors même que celle-ci avait engendré des dégâts exceptionnels sur les secteurs qu’elle a traversé, tout comme trois victimes.
Dégâts suite au passage de la tornade du 3 août 2008 à Hautmont – La voix du Nord
Contrairement aux exemples précédents, les médias ont tendance à minimiser le phénomène de la tornade en France mais également dans de nombreux autres pays du monde alors que celui-ci est pourtant le même que pour les tornades se produisant de l’autre côte de l’Atlantique. Néanmoins, on note une tendance à l’amélioration depuis plusieurs années, grâce notamment aux efforts de la communauté météorologique, pour que le terme de « mini-tornade » disparaisse complètement du vocabulaire médiatique.
Le “cyclone” aux latitudes tempérées
Ce terme est également trop souvent employé à tord par les médias, comme on a pu le voir pour la tempête Boris ayant engendré de très importantes inondations sur l’Europe Centrale autour de la mi-septembre. Cette dépression, très active, avait en effet été qualifiée de « cyclone » par de nombreux médias.
La tempête Boris a été qualifiée de cyclone par de nombreux médias français – Capture Google
Or, le terme de cyclone est exclusivement réservé aux dépressions à cœur chaud se formant près des tropiques et ne s’utilise pas en météorologie pour les dépressions à cœur froid concernant les régions tempérées.
Zones de formation des cyclones/ouragans/typhons à travers le monde – Via lagons-plages.com
Même si les tempêtes des régions tempérées peuvent parfois engendrer des dégâts quasiment aussi importants que les cyclones, ce sont pourtant deux phénomènes météorologiques bien distincts qui ne possèdent pas les mêmes mécanismes de formation et qui n’ont pas les mêmes conséquences.
Là encore, ce terme est souvent utilisé pour les fortes tempêtes dans les médias pour accentuer l’aspect dramatique du phénomène, mais il est important de retenir que les cyclones/ouragans/typhons se forment dans les régions tropicales et que les tempêtes que connaît la France n’ont pas du tout les mêmes caractéristiques.
Le vortex polaire
On peut régulièrement voir le terme de vortex polaire évoqué dans les médias durant la saison froide lorsqu’une descente d’air froid/polaire atteint la France, s’accompagnant de températures glaciales et le plus souvent de chutes de neige. Le vortex polaire est une dépression d’altitude persistante de grande taille, localisée du côté des pôles géographiques de la Terre. Ces zones de basse pression sont associées à un cœur d’air froid et donnent en surface des anticyclones thermiques dans le sillage d’un front polaire car lorsque la masse d’air se contracte et devient plus dense, elle exerce une forte pression sur le sol. Le vortex polaire s’intensifie en hiver et s’affaiblit en été parce qu’il dépend de l’écart thermique entre l’équateur et les pôles.
Pourtant, toutes les descentes d’air froid venues du Nord de l’Europe ne sont pas consécutives à un décrochage du vortex polaire mais à de simples coulées froides à l’arrière de zones dépressionnaires le plus souvent, ou alors à la mise en place d’un flux continental apportant de l’air froid venu d’Europe de l’Est jusqu’à la France, le fameux Moscou-Paris.
Il arrive toutefois que le vortex polaire s’affaiblisse et devienne plus ondulant en hiver, donnant lieu à des décrochages arctiques synonymes de coulées d’air particulièrement froids venus des pôles pouvant atteindre la France. Néanmoins, ce phénomène est bien plus fréquent du côté de l’Amérique du Nord, l’influence de l’Atlantique nous protégeant en général des masses d’air les plus glaciales.
Comparaison d’un vortex polaire stable et ondulant – NOAA
Là encore, ce terme est utilisé régulièrement par les médias pour son aspect plus anxiogène qu’une simple descente d’air froid, mais ce n’est pas pour cela que l’annonce de l’arrivée du vortex polaire sur la France est à chaque fois véridique, bien loin de là.